Hier soir, Londres a tenté, comme chaque année, de célébrer la Toussaint dans la dignité et le recueillement. Pourtant, dans les rues pavées de Covent Garden, l’ambiance n’avait rien de pieux ni de rassurant. Des cierges vacillants bordaient les fenêtres, des silhouettes masquées glissaient entre les échoppes fermées, et même les enfants, déguisés en petits spectres ou en saints oubliés, semblaient moins jouer qu’obéir à une tradition dont personne n’ose plus contester l’angoisse.

Car la peur, ici, ne se chasse pas avec une prière ou un gâteau d’âme. Elle s’installe.

Depuis les cinq morts inexpliquées de la semaine passée, Covent Garden n’est plus qu’une ombre tendue entre soupçons et superstitions. Malgré la pluie fine, une étrange foule s’est rassemblée au pied de l’ancienne fontaine, déposant des couronnes noires, des chandelles, et — plus étonnant — des bouchons d’oreille. Un vieil homme les distribuait à qui voulait bien l’écouter, murmurant que « les cloches ne sont pas pour les vivants ».

La paroisse Saint-Paul a tout de même maintenu sa veillée, bien que le vicaire ait refusé de sonner les cloches. Un geste rare, presque hérétique, mais salué par les fidèles. « Nous avons prié sans bruit, mais avec ferveur », m’a confié une dame en noir, les yeux rougis.

Les autorités demeurent silencieuses. Aucune suite donnée à l’enquête sur la disparition des hommes du guet. Le quartier, lui, s’organise. Certains habitants ont commencé à dormir dans les caves, d’autres quittent la ville à la tombée du jour. Les rares lanternes allumées portent des rubans blancs, comme si la lumière seule ne suffisait plus.

Il est coutume, à la Toussaint, d’honorer les morts. Cette année, les morts répondent peut-être à l’appel.

Xander Dhale

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