Depuis dix jours, Covent Garden fut le théâtre d’une série de morts étranges qui glaçaient le sang jusque dans les ruelles les plus joyeuses de Soho. Mais ce matin, contre toute attente, l’air semblait plus léger. Depuis la Toussaint, aucun nouveau décès suspect n’a été signalé. Pas d’étranges cloches nocturnes, pas de sang versé sans raison.

Les marchands ont rouvert leurs étals. Les enfants courent à nouveau sous les porches. Le brouillard demeure, mais n’effraie plus.

Et pourtant… ce retour à la normalité semble presque trop rapide.

« Les gens oublient vite quand ça les arrange », confie un balayeur de Bow Street. « Y’a dix jours à peine, on plantait des chandelles comme des croix. Aujourd’hui, ils veulent que tout ça n’ait jamais existé. »

La mémoire populaire est fragile, surtout quand elle gêne. Quelques langues bien pendues osent murmurer que les morts n’étaient que des coïncidences, que les témoins ont exagéré. Une vendeuse de pommes m’a même assuré que Madame Edna Morvil souffrait depuis des années « d’un nerf qui la faisait saigner du nez », oubliant commodément qu’on l’avait retrouvée criant contre des cloches invisibles.

Plus troublant encore, certains habitants semblent ne pas se souvenir du tout des disparitions du guet royal. Trois hommes sont encore portés manquants. Et pourtant, leurs noms ont été effacés des registres d’appel. Même leurs chevaux, revenus seuls, ne sont plus mentionnés.

Oubli ou volonté d’oublier ?

Covent Garden reprend sa respiration, certes. Mais une question demeure : si la peur s’est tue si vite, est-ce parce qu’elle s’est envolée… ou parce qu’elle s’est installée ailleurs, plus discrète ?

Et tandis que Londres s’apprête à fêter la nuit de Guy Fawkes, entre feux d’artifice et effigies brûlées, je ne peux m’empêcher de me demander… et si le vrai feu couvait encore sous les pavés ?

Xander Dhale

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