Dans les quartiers les plus anciens de Londres, là où les pavés semblent retenir la mémoire des pas oubliés, une légende murmure entre les murs suintants d’humidité : celle des Trois Cloches du Rêve Rompu.
On dit qu’elles ne sonnent pas pour les vivants, mais pour quelque chose de plus ancien. Quelque chose qui cherche à se souvenir — ou à être rappelé. Les cloches ne sont attachées à aucun clocher connu. Aucun beffroi, aucun mécanisme. Elles résonnent dans l’air comme un écho venu d’un autre plan, sans qu’on ne sache jamais d’où provient le son. Ceux qui les ont entendues disent que le bruit n’est pas seulement audible : il s’imprime dans l’os, réveille des images oubliées, fait trembler la langue dans la bouche.
La première cloche trouble les chiens. Elle surgit entre minuit et deux heures. Tous les chiens du voisinage lèvent brusquement la tête, puis s’enfuient, gémissant ou hurlant à la lune. Il est dit que leurs instincts reconnaissent, dans cette vibration, une mémoire ancienne — un prédateur, peut-être, dont le nom fut effacé.
La deuxième cloche fait pleurer les enfants dans leur sommeil. Même les plus profondément endormis se tordent en silence, les joues inondées de larmes. Les nourrissons hurlent à s’en briser la gorge, mais rien ne les réveille tout à fait. Certains murmurent des mots dans une langue que personne ne parle plus, sauf dans les rêves d’une époque que l’Histoire a reniée.

Et la troisième cloche… Ah. La troisième ne sonne qu’une fois par nuit. Jamais deux fois, et jamais au même instant. Mais chaque fois qu’elle se fait entendre — claire, lente, solennelle — elle arrache une vie. Homme ou femme, noble ou mendiant, enfant ou vieillard, peu importe. Au matin, on retrouve le corps encore tiède, sans blessure, sans trace de lutte. Les yeux ouverts, fixant un point que nul vivant ne pourrait soutenir. Comme si leur âme avait été brisée — ou appelée ailleurs.
On dit que si la dernière cloche est brisée avant qu’elle ne sonne, alors le rêve s’effondre, et quelque chose d’enfoui reste enfermé un peu plus longtemps. Mais comment brise-t-on une cloche qui n’existe que dans l’écho d’un cauchemar partagé ? Et surtout… qui essaie encore ?
The Sleep-Taker’s Bells
Three bells ring beneath the bed,
One for dogs, one for dread.
The last one tolls when no one sees —
And takes you softly in your sleep.
Three bells ring beneath the bed,
One for dogs, one for dread.
The last one tolls when no one sees —
And takes you softly in your sleep.
So close your eyes before the third,
Or she'll come without a word.
She seeks the child who will not rest —
And hides them deep within the west.