Le Tableau D’Ephraim

Le tableau, murmure-t-il, celui où tu es masqué… n’est pas une peinture ordinaire. Il est une énigme, un éclat volé à la mémoire même du monde.

Puis, en traçant de ses doigts un cercle invisible dans l’air :

— Les Roses de Minuit, mon jeune ami, ne sont pas des artistes. Ce sont des jardiniers de l’oubli. Leur pinceau est une aiguille, leur cadre une tombe sans nom. Lorsqu’ils signent une œuvre, ce n’est pas pour qu’on s’en souvienne, mais pour qu’on oublie ce qui fut vrai avant qu’elle existe.

Ton masque sur ce tableau, Ephraim, ce n’est pas un déguisement. C’est une porte close. Et derrière, peut-être… un fragment de ce que tu étais, ou de ce que tu n’as jamais eu le droit d’être.

L’Archiviste se penche, à peine un souffle entre eux :

— Les Roses de Minuit sont des soldats silencieux, alliés de l’Oubli. Ils effleurent les racines du passé pour qu’elles ne repoussent jamais. Ils ne mentent pas, non. Ils effacent. Et parfois, ce qu’ils effacent, c’est un enfant.

Il se redresse, le regard grave.

— Ce tableau te cache, Ephraim. Peut-être pour te protéger. Peut-être pour mieux t’éloigner de toi-même. Mais souviens-toi : l’oubli est une armure fragile. Il suffit d’un rêve, d’un mot… d’un regard, pour que la mémoire revienne frapper.

The Mysterious Frames

Texte ancien du Parchemin

Que le Souffle remonte,
Du gouffre au berceau,
Qu’il traverse la chair,
Et danse sans mot.

Il niche dans la bouche
Qui n’a pas encore choisi :
L’enfant à deux cornes,
Mais une seule vie.

Fais silence sous la pluie,
Laisse l’enfant chanter.
Le premier cri —
N’est jamais oublié

À mon fils, Ephraim

Si tu lis ceci, c’est que le destin a mis ta main sur mes derniers mots. Je ne suis plus. Je savais que mon temps serait compté dès que j’ai vu ce qu’ils faisaient dans les salles du fond… dès que j’ai compris ce qu’ils voulaient faire de toi.

Je n’ai jamais été un homme fort, ni un père juste. Mais je t’aimais. Chaque jour passé à te voir survivre, à t’adapter, à résister… c’était ma lumière sous terre. J’ai tenté de t’épargner ce que je n’ai pas pu fuir. Si un jour tu retrouves ces murs, ne cherche pas à les comprendre. Fuis-les. Laisse les cendres retomber.

Tu es libre, Ephraim. Libre de vivre ailleurs, libre d’oublier ce que l’on t’a fait.

Ne sois pas ce qu’ils ont tenté de fabriquer.

Sois ce que tu choisis de devenir.

Ton père,
— D. L.
(les initiales sont tremblées, à peine lisibles)

Le Cri des Cendres

J’ai entendu cent cris.
Tous différents, tous magiques.
Chaque enfant cornu chante à sa manière la venue au monde —
Un sort instinctif, une vibration première, une symphonie d’âme brute.

Je cherche celui que j’appelle le Cri des Cendres,
Le cri qui transforme ce qui naît en ce qui ne devrait pas exister.
Je ne l’ai jamais trouvé. Peut-être n’existe-t-il pas.
Mais à chaque nouvelle naissance, j’espère.

Ce cristal contient le premier que j’ai su capter.
Le plus pur. Le plus ancien. Il vibre encore.
Peut-être n’est-ce pas le Cri des Cendres…
Mais il remplira une corne vide,
S’il est porté avec respect.

Comptes d’Éclats Vifs

Enfants encore sauvables à Londres

Ces noms ont été extraits de registres secrets tenus par Alric sous le nom de « Comptes d’Éclats Vifs ». Ces enfants sont toujours en circulation dans Londres, souvent sous fausse identité ou au service de puissances occultes.

Nom & PrénomÂgeRace supposéeDernier lieu connuÉtat
Ismael Trenwyck12HumainPension de la Loutre Bleue, SouthwarkDétenu comme apprenti « indéfectible »
Sennia Blackridge9Demi-elfeChantier naval d’EelpieExploitée comme « écoutante » dans les cales
Firo Ramhart11RamharrÉgouts de HackneyFugueur, protégé par les rats-guides
Jonah Malk10GnomeEntrepôt 43, LimehouseEmployé par la Guilde des Bouchers d’Esprits
Ellya Marchen7HumaineOrphelinat des Ombres Tissées, SohoConditionnée au silence
Miro & Toma Gresley6Jumeaux TieffelinsCollection du baron H——Présumés « endormis » magiquement

2. Finances occultes et fraudes d’Alric

Alric dirigeait l’Atelier du Chrysoprase, façade de commerce d’objets alchimiques et d’antiquités. Il y faisait transiter des enfants à haute valeur rituelle ou sociale.

Revenus estimés annuels (trafics) :

  • Noblesse (usage ésotérique ou lignée stérile) : 1 200 livres
  • Rituels clandestins (Rose de Minuit, Veilleurs de l’Œil Nu) : 800 livres
  • Industrie (usine, mine, laboratoire) : 400 livres

Fraudes gouvernementales :

  • 60 % des fonds royaux pour orphelins siphonnés via reçus falsifiés
  • Usage d’identités doubles pour les enfants (morts administrativement, vivants en esclavage)
  • Falsification de registres paroissiaux avec la complicité de deux curés

Complicité royale :

  • Le roi, sous le nom codé « Sire des Reflets », ordonnait certaines livraisons, évoquant des offrandes sacrées aux Vieilles Forces de Londres
  • En échange, Alric recevait immunité judiciaire et titres mineurs

3. Lettre d’Alric au Roi (copie interceptée)

Mon Roi,

Le premier cri de mon héritière a traversé les rideaux de soie cette nuit. Elle est vigoureuse, d’une clarté presque anormale, et son front porte la naissance d’un motif — une étoile inversée, formée de tâches pigmentaires.
Comme convenu dans nos serments à la Tour de Sel, je vous cède ce fruit dès qu’elle marchera seule.
Le lien du sang est une chose fragile comparée à l’honneur de servir le Trône. Prenez-la comme gage de ma loyauté éternelle, et si elle résiste, sachez que sa mère a déjà bu l’encre noire.

Puisse son cœur battre au rythme des tambours de Votre volonté.

Votre fidèle serviteur,
Alric Kellthron
Lieur d’Âmes & Régisseur des Nœuds d’Enfants

À Sa Majesté Très Illustre, roi de Londre George le III

Carnet Du Disparue

« 18 octobre 1795 —
Les craquements dans les murs ne sont pas de ce monde. Ils suivent la logique du rythme, non celle du bois. J’ai scellé le grenier, mais la chose murmure encore à travers les plinthes. »

« 5 janvier 1796 —
J’ai enfermé la fiole dans l’autel entre De Umbrae Natura et Les sept souffles de Bannek. Elle ne doit pas tomber entre les mains de la Rose de Minuit. Ils cherchent déjà le “Tiers-lieu”. S’ils le trouvent, la ville perdra sa mémoire. »

« 22 février 1796 —
Le père Cross a menti. Le géant n’est pas mort, il est enraciné sous le marais. Il respire. Et parfois, il rêve. Quand il rêve, je n’entends plus mes propres pensées. »

« 3 avril 1796 —
Les enfants corniques — les Ramharr — semblent le voir. Le plus jeune m’a parlé de la “clé dans l’ombre”, mais je n’ai pas compris. Il m’a touché le front et j’ai vu Londres sans lumière. Ce n’était pas un rêve. »

« Dernière page griffonnée sans date —
Si quelqu’un lit ceci :
Allez au 17, White Hill Road. Trois étages. Derrière la bibliothèque, il y a une trappe que j’ai scellée avec du sel et de l’argent. Dessous, vous trouverez le début.
Pas la fin.
Le début. »

Toussaint sous les Brumes : Des Bougies, des Masques… et une Peur qui Persiste

Hier soir, Londres a tenté, comme chaque année, de célébrer la Toussaint dans la dignité et le recueillement. Pourtant, dans les rues pavées de Covent Garden, l’ambiance n’avait rien de pieux ni de rassurant. Des cierges vacillants bordaient les fenêtres, des silhouettes masquées glissaient entre les échoppes fermées, et même les enfants, déguisés en petits spectres ou en saints oubliés, semblaient moins jouer qu’obéir à une tradition dont personne n’ose plus contester l’angoisse.

Car la peur, ici, ne se chasse pas avec une prière ou un gâteau d’âme. Elle s’installe.

Depuis les cinq morts inexpliquées de la semaine passée, Covent Garden n’est plus qu’une ombre tendue entre soupçons et superstitions. Malgré la pluie fine, une étrange foule s’est rassemblée au pied de l’ancienne fontaine, déposant des couronnes noires, des chandelles, et — plus étonnant — des bouchons d’oreille. Un vieil homme les distribuait à qui voulait bien l’écouter, murmurant que « les cloches ne sont pas pour les vivants ».

La paroisse Saint-Paul a tout de même maintenu sa veillée, bien que le vicaire ait refusé de sonner les cloches. Un geste rare, presque hérétique, mais salué par les fidèles. « Nous avons prié sans bruit, mais avec ferveur », m’a confié une dame en noir, les yeux rougis.

Les autorités demeurent silencieuses. Aucune suite donnée à l’enquête sur la disparition des hommes du guet. Le quartier, lui, s’organise. Certains habitants ont commencé à dormir dans les caves, d’autres quittent la ville à la tombée du jour. Les rares lanternes allumées portent des rubans blancs, comme si la lumière seule ne suffisait plus.

Il est coutume, à la Toussaint, d’honorer les morts. Cette année, les morts répondent peut-être à l’appel.

Xander Dhale

Cinq Nuits, Cinq Morts : Covent Garden sous le Joug d’une Terreur Silencieuse

Covent Garden, autrefois théâtre de lumière et de commerce, semble aujourd’hui sombrer dans une angoisse que même le gaz des réverbères n’éclaire plus. En cinq nuits seulement, cinq personnes ont perdu la vie dans des circonstances à la fois inexplicables et troublantes. Les habitants, d’ordinaire prompts à l’ironie londonienne, ferment désormais leurs volets aux premières cloches du soir.

La dernière victime en date, Madame Edna Morvil, veuve respectable et connue pour ses promenades nocturnes paisibles, fut retrouvée effondrée sur les pavés humides de Bow Street. Des témoins affirment qu’elle saignait des yeux, des narines et même des oreilles, implorant à voix faible : « Que les cloches cessent… je vous en prie, faites taire les cloches… » avant de s’écrouler, morte.

Le détail des cloches revient dans d’autres témoignages, parfois murmurés comme un secret trop lourd. Aucune cloche ne sonne officiellement à ces heures-là. Pas de messe, pas d’alerte. Et pourtant, plusieurs riverains jurent entendre des tintements désaccordés venant de nulle part… ou de dessous terre.

Les autorités, alertées, ont d’abord dépêché une patrouille de cinq hommes du guet royal. Mais voilà qu’eux aussi semblent avoir disparu. Pas un mot, pas un cri, pas un retour. Seuls leurs chevaux sont revenus, affolés, les yeux révulsés.

Le Roi aurait depuis ordonné le silence sur l’affaire, mais à Londres, le silence est bavard. Les murmures courent plus vite que les fiacres. Certains évoquent un culte ancien, d’autres parlent d’un enfant aux cornes d’or aperçu près de Neal Street.

Chose certaine, Covent Garden retient son souffle. Et tandis que la nuit tombe à nouveau, chacun se demande : qui sera le prochain ?

Xander Dhale

Tragédie à la Ferme Borken Valley : Meurtre et suicide secouent la communauté de Greslinn

Greslinn, 27 octobre 1799 – Une macabre découverte a été faite ce matin aux abords du hameau de Greslinn, a l’est de Londres, lorsque des commerçants venus réclamer une livraison non reçue ont pénétré dans la Ferme du Borken Valley. À l’intérieur, ils ont trouvé les corps de Michel Darrieux, fermier de 34 ans, et de son père, Benoît Darrieux, âgé de 68 ans.

Les premières constatations indiquent que Michel aurait assassiné son père il y a plusieurs mois, avant de se donner la mort il y a quelque jours. Le cadavre de Benoît, déjà en état avancé de décomposition grave, était encore assis sur une chaise du deuxième étage, la gorge tranchée net. Son fils gisait quant à lui dans la grange, pendu à une poutre, les bottes effleurant à peine le sol battu.

La gendarmerie locale évoque un acte de folie violente. Des voisins rapportent que Michel, autrefois homme réservé mais travailleur, montrait ces dernières semaines des signes d’instabilité : il parlait seul, évoquait des « voix dans les murs » et refusait toute aide extérieure. Certains affirment qu’il n’avait plus quitté la ferme depuis près d’un mois.

Le mobile exact du meurtre reste inconnu, mais certains soupçonnent une longue querelle familiale, accentuée par l’isolement et les traitement que Michel semblait avoir vécue toute sa vie.

Les autorités ont annoncé que la Ferme du Val-Cassé serait désormais mise en vente, l’État se portant garant de la succession en l’absence d’héritiers connus. La vente aura lieu aux enchères publiques au prochain marché de Ketterson.

Cet événement jette une ombre pesante sur Greslinn, où l’on murmure déjà que les terres du Broken Valley sont maudites — une rumeur que la brume matinale, plus épaisse que jamais, ne fait rien pour apaiser.

Xander Dhale

Disparition mystérieuse des eaux dans le canal de Blackditch

Quartier de Limehouse. — Une situation des plus singulières trouble habitants des berges du canal de Blackditch. Le bassin, pourtant alimenté régulièrement par les écluses nord et sud, s’est vu intégralement vidé de son eau dans la nuit du 24 au 25 octobre, sans qu’aucune rupture de digue ni fuite visible n’ait pu être identifiée.

Des témoins affirment avoir entendu au cœur de la nuit des bruits sourds et métalliques, suivis d’un long râle grave, « comme un soupir de cavité immense », selon les termes d’un tonnelier du quartier. Depuis, des grondements et résonances inhabituelles seraient perceptibles à la tombée du jour, émanant du lit asséché du canal.

Malgré les inquiétudes croissantes des riverains, les autorités municipales n’ont publié aucune déclaration officielle, et les ouvriers du district se seraient simplement contentés de poser des barrières de bois autour du bassin. Certains prétendent qu’aucune inspection sérieuse n’a encore été menée sur place.

Les commerçants du quai nord on peur de voir d’une chute soudaine de fréquentation et plusieurs d’entre eux envisagent de déménager si la ville ne fait rien.

Nous suivrons l’évolution de cette affaire avec attention.

Xander Dhale