Le Tableau D’Ephraim

Le tableau, murmure-t-il, celui où tu es masqué… n’est pas une peinture ordinaire. Il est une énigme, un éclat volé à la mémoire même du monde.

Puis, en traçant de ses doigts un cercle invisible dans l’air :

— Les Roses de Minuit, mon jeune ami, ne sont pas des artistes. Ce sont des jardiniers de l’oubli. Leur pinceau est une aiguille, leur cadre une tombe sans nom. Lorsqu’ils signent une œuvre, ce n’est pas pour qu’on s’en souvienne, mais pour qu’on oublie ce qui fut vrai avant qu’elle existe.

Ton masque sur ce tableau, Ephraim, ce n’est pas un déguisement. C’est une porte close. Et derrière, peut-être… un fragment de ce que tu étais, ou de ce que tu n’as jamais eu le droit d’être.

L’Archiviste se penche, à peine un souffle entre eux :

— Les Roses de Minuit sont des soldats silencieux, alliés de l’Oubli. Ils effleurent les racines du passé pour qu’elles ne repoussent jamais. Ils ne mentent pas, non. Ils effacent. Et parfois, ce qu’ils effacent, c’est un enfant.

Il se redresse, le regard grave.

— Ce tableau te cache, Ephraim. Peut-être pour te protéger. Peut-être pour mieux t’éloigner de toi-même. Mais souviens-toi : l’oubli est une armure fragile. Il suffit d’un rêve, d’un mot… d’un regard, pour que la mémoire revienne frapper.

The Mysterious Frames

Carnet Du Disparue

« 18 octobre 1795 —
Les craquements dans les murs ne sont pas de ce monde. Ils suivent la logique du rythme, non celle du bois. J’ai scellé le grenier, mais la chose murmure encore à travers les plinthes. »

« 5 janvier 1796 —
J’ai enfermé la fiole dans l’autel entre De Umbrae Natura et Les sept souffles de Bannek. Elle ne doit pas tomber entre les mains de la Rose de Minuit. Ils cherchent déjà le “Tiers-lieu”. S’ils le trouvent, la ville perdra sa mémoire. »

« 22 février 1796 —
Le père Cross a menti. Le géant n’est pas mort, il est enraciné sous le marais. Il respire. Et parfois, il rêve. Quand il rêve, je n’entends plus mes propres pensées. »

« 3 avril 1796 —
Les enfants corniques — les Ramharr — semblent le voir. Le plus jeune m’a parlé de la “clé dans l’ombre”, mais je n’ai pas compris. Il m’a touché le front et j’ai vu Londres sans lumière. Ce n’était pas un rêve. »

« Dernière page griffonnée sans date —
Si quelqu’un lit ceci :
Allez au 17, White Hill Road. Trois étages. Derrière la bibliothèque, il y a une trappe que j’ai scellée avec du sel et de l’argent. Dessous, vous trouverez le début.
Pas la fin.
Le début. »